mercredi 6 août 2008

Le nez de Cléopâtre


Cela devait arriver : il y a une lacune dans la nouvelle édition du Dictionnaire portatif ! On y trouve bien la référence au « nez de Cléopâtre » (dans le test des pages 702-703), mais nulle part dans le livre l’expression n’est expliquée…
Me voici pris à mon propre piège, moi qui, en réponse à notre ami « Phénix ingénu », jugeais indispensable de connaître les locutions culturelles majeures (cf. les commentaires qui suivent la Présentation 2, où je fais l’historique du Portatif).
« C’est un scandâââle ! » eût dit Georges Marchais, exigeant de l’auteur une autocritique en bonne et due forme. Non seulement en effet Pascal a érigé Cléopâtre en référence culturelle, mais Goscinny et Uderzo ne manquent pas de célébrer le « nez » de l’héroïne (dans Astérix et Cléopâtre), et je ne parle pas des nombreux films ou livres qui mettent en scène la reine d’Égypte à la beauté légendaire.

Mais venons-en aux faits. Dans la Pensée 162 (édition Brunschvicg), Pascal écrit : « Le nez de Cléopâtre : s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé. » Il veut montrer ainsi que des causes infimes peuvent avoir d’effroyables conséquences. En raison de sa beauté, due à un long nez, Cléopâtre fut en effet successivement aimée de César, puis d’Antoine. Il va de soi que l’histoire de l’empire romain eût été fort différente si, affublée d’un nez plus court (– signe de laideur à l’époque !), notre reine n’avait pas suscité l’ardeur de nos empereurs. Voilà qui illustre, selon Pascal, la vanité de l’amour et des choses de ce monde.

Depuis, faire allusion au « nez de Cléopâtre » n’est pas simplement une coquetterie d’homme cultivé, c’est une référence culturelle, dont la fonction est précisément de renvoyer, par delà les Pensées de Pascal, à un vaste débat à la fois philosophique et historique. Il eût été dommage de priver les lecteurs du Dico portatif, affamés de connaissances, de cette précieuse locution. Voilà mon oubli partiellement réparé... en attendant une prochaine réédition !

B. H.

2 commentaires:

Le PhéniX Ingénu a dit…

Votre autocritique, à propos du « nez de Cléopâtre », m’a ravi, et en même temps, laissé sur ma faim. Car si cette expression renvoie, « par delà les Pensées de Pascal », à un vaste débat à la fois philosophique et historique, on aimerait bien savoir d’abord ce que nous disent les Pensées de Pascal ! J’ai ouï dire que Pascal était au programme du Bac 2009, et par ailleurs, vous vous référez souvent à cet auteur dans votre Dico portatif (cf. « Divertissement », « Esprit de finesse », etc.) : alors, ne pourriez-vous pas nous rappeler en trois ou quatre points sa philosophie d’ensemble ??

BRUNO HONGRE : a dit…

Voilà bien le danger d’avoir des lecteurs trop attentifs : ils en veulent toujours plus ! Soit, je relève le défi, mais cela prendra un peu de place, ne vous déplaise…