vendredi 17 septembre 2010

L’homme est un loup pour l’homme. Vraiment ?


● Cet aphorisme, issu de Plaute, fut rendu célèbre par Hobbes (après Érasme), qui en fit l'un des postulats de son essai Le Léviathan (1651), bien que la formule elle-même n'y figure pas. Pour Hobbes, l'état de nature est pour les hommes un état de "guerre de tous contre tous". Le problème, c’est que ce pessimisme radical est une trahison de la pensée de Plaute, lequel fait dire au personnage de sa comédie : « L’homme est un loup pour l’homme, et non un homme, quand il ne sait pas à qui il a affaire. » Le complément « quand il ne sait pas à qui il a affaire » relativise en effet nettement la proposition originelle, au point de l'inverser!
Au royaume des citations, il convient donc d'être prudent. Cet exemple est l'un de ceux qui méritaient quelque rectification dans le livre de Références culturelles dont j'ai annoncé la nouvelle édition en juin 2010. En voici une quinzaine d’autres :

● La très sage maxime Aide-toi, le Ciel t’aidera n’est pas une parole du Christ dans l’Évangile mais de Hercule dans la fable de La Fontaine « Le Charretier embourbé ».
● Descartes a emprunté son Je pense donc je suis à saint Augustin qui avait écrit (plus subtilement) : Si je me trompe, [c’est que] je suis.
● Le célèbre précepte de F. Bacon On ne commande à la nature qu’en lui obéissant décalque le proverbe latin Une femme vertueuse commande à son mari en lui obéissant.
● Voltaire n’a jamais écrit : Je ne suis pas d’accord avec vos idées mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez les exprimer. Il s’agit là d’un faux notoire.
● C’est également par erreur que l’on prête à Marie-Antoinette la formule S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche. Celle-ci était connue bien avant la Révolution.
● Si Montesquieu a écrit Le mieux est le mortel ennemi du bien… il a aussitôt biffé cette sentence qu’il trouvait excessive !
● Alfred de Musset est l’auteur de l’axiome Les grands artistes n’ont pas de patrie… que Marx appliqua par la suite aux prolétaires.
● Le précepte La politique est l’art du possible n’est ni de Gambetta ni de Richelieu, mais de Bismarck qui a déclaré plus exactement La politique est l’art des possibles… ce qui n’est pas la même chose !
● C’est la pédagogue suédoise Ellen Key qui est à l’origine (presque mot pour mot) de l’aphorisme La culture est ce qui reste quand on a tout oublié. On l’attribue à tort à Édouard Herriot, qui précisa pourtant qu’elle provenait d’un auteur étranger…
● Simone de Beauvoir et Louis Aragon ont pastiché sans vergogne des auteurs qui les ont précédés, puisque Tristan Bernard a publié en 1899 un récit intitulé Mémoires d’un jeune homme rangé et que Francis Ponge a écrit en 1944 L’homme est l’avenir de l’homme
● Quand Churchill proclame : La démocratie est le pire des régimes à l’exception de tous les autres, il s’inspire directement du brésilien Ruy Barbosa qui disait : La pire des démocratie est bien préférable à la meilleure des dictatures.● On attribue à Gramsci l’idée qu’il faut allier l’optimisme de la volonté au pessimisme de l’intelligence. En réalité, Gramsci cite son ami Romain Rolland, auquel il a emprunté l’antithèse.
● Quand il déclarait : Il faut donner du temps au temps, Mitterrand citait un proverbe séculaire, attesté dès le 17ème siècle, qui figurait déjà dans Don Quichotte, et lui était antérieur.
● C’est enfin Laurent Fabius qui, à propos de certaines élections, eut le mot : J’y pense parfois, en me rasant. Nicolas Sarkozy ne fit que démarquer la formule en déclarant qu’il y pensait tout le temps. C’était en 2003…

Ce n’est là qu’un échantillon !

B. H.

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